Au début des années 1980, les premières consoles de jeux faisaient leur entrée dans les foyers... Les jeux étaient simples mais possédaient déja quelques caractéristiques intéressantes. Au final, ces jeux auront fait des ravages dans la génération des jeunes nés dans les années 1980. Certains d'entre eux n'arrivent plus à distinguer la réalité et la fiction comme en témoignent les vidéos qui suivent. Pacman ou Zelda font partis des nombreux exemples de jeux ayant contribués à l'effacement de la réalité. Vous noterez aussi l'omniprésence des jeux vidéos dans toutes les activités comme le crochet.
Plus sérieusement, qu'est-ce qui fait un bon jeu ?La réponse est simple: ce ne sont ni les graphismes, ni le scénario... Il faut un bon système de récompense qui ne frustre pas le joueur. Et plus précisément qu'est-ce qu'un bon jeu : c'est un jeu qui donne envie d'y jouer. Le désir de jouer doit-être fort chez le joueur, sinon il n'éprouvera aucune motivation à aller s'étaler dans un canapé devant sa console. Ce doit aussi être un jeu qui dure, si possible indéfiniment. Cet enjeu est particulièrement important puisque le joueur sera plus enclin a payer 60 euros s'il ne finit pas le jeu en une semaine et cela est encore plus vrai dans le cas de jeux nécéssitant un abonnement.
Donc au final, un bon jeu doit rendre addicte et durer suffisament longtemps pour que le joueur ne puisse jamais sentir l'effet de manque et puisse continuer a tranquillement faire des virements sur le compte de la société éditrice de jeux.
Et pour ca, le principe est simple. Tout d'abord le joueur doit-être réceptif : il doit chercher à satisfaire ses désirs (ie ne pas trop suivre Kant et Schopenhauer). Ca commence bien puisque la plupart d'entre nous cherchons à satisfaire nos désirs. Le problème du désir, c'est que quand il est satisfait, après un court moment de plaisir, un nouveau désir nait. Celui-ci est plus dur à satisfaire. Schopenhauer l'explique très bien :
Tout vouloir procède d'un besoin, c'est-à-dire d'une privation, c'est-à-dire d'une souffrance. La satisfaction y met fin; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés; de plus, le désir est long, et ses exigences tendent à l'infini; la satisfaction est courte, et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême lui-même n'est qu'apparent: le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d'aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C'est comme l'aumône qu'on jette à un mendiant: elle lui sauve aujourd'hui la vie pour prolonger sa misère jusqu'à demain - Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l'impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu'il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n'y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c'est en réalité tout un: l'inquiétude d'une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu'elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience; or sans repos le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré.
Schopenhauer, le Monde comme volonté et comme représentation (1818), Éd. P.U.F., 1992, §38
Revenons en aux jeux. Le jeu doit satisfaire les désirs du joueur, celui-ci éprouvera alors du plaisir, puis un nouveau désir qu'il faudra satisfaire. Et ainsi, le joueur court derrière un plaisir qu'il arrive juste à gouter sans jamais le saisir... tel le fantome qui court derrière PacMan. C'est la qu'intervient le système de récompense. Si le joueur court après le plaisir sans jamais y gouter, il va se démotiver et ne jouera plus. Ainsi, le jeu doit apporter régulièrement une récompense au joueur. En général, c'est une progression dans le niveau qui vous rend plus fort, vous offre plus de possibilités et vous gratifie virtuellement¹. En effet, quoi de plus plaisant que de voir son avatar progresser (World Of Warcraft), sa civilisation écraser une autre (Age of Empires, Civilisation, ...), sa voiture être encore plus rapide (Need For Speed) ou encore son équipe de foot soigneusement montée gagner (ChampionShip Manager). La clé du succès, ou plutot du plaisir, ou plutot du désir perpétuel est dans la satisfaction permanente de ce dernier.
D'un autre coté, il faut a tout prix éviter la frustration : en effet, mourrir dans un jeu, c'est tellement démotivant, qu'on a pas envie de recommencer. C'est bien le cas : vous avez déja vu quelqu'un mourrir dans World of Warcraft ou quelqu'un casser sa voiture dans Need For Speed ? L'autre type de frustration à éviter est l'absence de progression. Si vous ne progressez plus, vous n'avez plus jamais de récompense, du coup plus jamais de plaisir, le désir ne devient plus que souffrance et alors... soit vous tombez dans la dépression et vous acharnez sur le jeu pour quand même progresser, soit vous comprenez enfin que le jeu est l'objet de la souffrance et vous arretez de jouer pendant un moment.
La difficulté est là : fournir une récompense souvent au début, jusqu'a ce que le désir devienne sufisament important pour que le joueur puisse fournir un effort un peu plus important pour obtenir des récompenses. Ensuite, il est possible de ralentir un peu la progression pour ne pas voir un monstre surpuissant apparaitre dans le jeu. Mais la progression ne doit jamais s'arrêter. Les récompenses doivent-être permanentes. Le joueur doit toujours avoir un objectif : avoir tel objet, battre tel monstre... Ainsi, afin de le garder indéfiniment, les récompenses doivent-être infinies... La difficulté réside alors dans la construction d'un scénario qui prenne en compte ce besoin de montrer au joueur qu'il progresse sans que le jeu devienne trop facile et sans pour autant arrêter sa progression.
On constate ainsi que les bons jeux sont faits pour rendre addicte, ca part à la fois d'une bonne volonté et à la fois d'un besoin économique:
- faire un jeu qui contente le joueur
- maximiser la durée des abonnements pour les jeux à abonnements.
L'effet pervers de ce points est une addiction psychologique importante chez des joueurs de plus en plus jeune, en particulier pour les MMORPG qui ne suivent pas un scénario qui se termine. De plus, ces jeux offrent une liberté relativement grande, ce qui permet au joueur de toujours progresser, de toujours trouver un intéret au jeu.
Malheureusement, l'addiction psychologique peut avoir des conséquence graves comme le déclenchement de phlébites ou d'embolies pulmonaires. Alors, même si vous jouez beaucoup, pensez a marcher un peu de temps en temps... Ca évitera des accidents. Et après, vous finirez bien par trouver des limites au jeu et ne plus pouvoir satisfaire votre désir. Vous trouverez alors un autre objet sur lequel reporter votre désir: copine, autre jeu, télévision, autre passion, ...
Vous pouvez aussi lire Daniel Haggard ou l'article suivant : Gaming fanatics show hallmarks of drug addiction
En tout cas, attention, l'addiction peut nuire à vos relations sociales, sauf si... votre copine vous aime beaucoup.
¹ Si l'on considère que le joueur se projette sur son avatar (cf la théorie de Freud sur la projection), alors dans ce cas, la gratification est pas uniquement virtuelle, elle est aussi réelle.
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